De l’inégalité culturelle à la coopération, la solidarité et l’équité
Le paysage culturel international est aujourd’hui clairement marqué par des déséquilibres : de grandes organisations et plateformes culturelles et médiatiques coexistent avec de petites initiatives qui s’appuient sur leur créativité mais voient leur continuité menacée ; des cultures et langues majoritaires et minoritaires coexistent, conséquence de processus historiques, politiques et sociaux, comme la migration ou la construction des institutions et des nations. Les expressions culturelles du Nord et du Sud ont des chances très inégales d’accéder à des publics internationaux, ce qui limite leur visibilité et leur revenu potentiel.
Lorsque les inégalités culturelles s’aggravent, la diversité culturelle est menacée. Or, l’évolution de la culture repose sur l’interaction et l’échange. Une telle perte de diversité menace la capacité des cultures à évoluer et limite l’exercice des droits culturels. Pour y remédier, une série d’initiatives ont émergé pour établir des principes et des mécanismes d’échanges culturels plus équilibrés, dont la Convention de l’UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui inclut le principe de traitement préférentiel pour les pays en développement.
Plusieurs initiatives récentes (DutchCulture, EUNIC, Commission allemande pour l’UNESCO…) insistent sur la nécessité d’échanges culturels plus équitables et de la mise en œuvre concrète du traitement préférentiel comme clef de développement durable et de justice culturelle.
Que signifie le traitement préférentiel ?
La notion de « traitement préférentiel » vient du commerce international : accorder des conditions favorables aux pays en développement, notamment pour leurs échanges commerciaux ou l’accès à des marchés. Cette logique a été adaptée par l’UNESCO dans la Convention de 2005, à l’article 16, qui exige que les pays développés facilitent les échanges culturels avec les pays en développement : accès aux marchés, mobilité, soutien à la circulation des biens, services et professionnels de la culture, sans exiger de réciprocité.
Concrètement, le traitement préférentiel doit permettre aux artistes et professionnels de la culture des pays du Sud de bénéficier d’opportunités spécifiques pour accéder aux marchés et à la mobilité internationale. Cela concerne : les accords de coproduction, le financement de projets, les visas, le soutien à la circulation des œuvres, et plus largement l’accès facilité aux marchés numériques.
Comment les organisations culturelles peuvent-elles mettre en œuvre le traitement préférentiel ?
Outre les mesures gouvernementales, les organisations culturelles peuvent jouer un rôle actif. Exemples :
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Les festivals peuvent favoriser la mobilité et donner de la visibilité aux œuvres du Sud, comme le Festival Vues d’Afrique à Montréal.
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Les formations et programmes de renforcement des capacités, comme le Festival des trois continents à Nantes.
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Les programmes de bourses pour la mobilité, comme ceux du CIMAM ou de l’ISPA.
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Les résidences ciblées, comme celles de la Fondation Delfina.
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Les plateformes de soutien à la mobilité et aux financements, telles que On the Move, le Fonds Roberto Cimetta, ou le Fanak Fund.
Les organisations peuvent : consacrer des événements ou programmes à la présentation d’œuvres du Sud ; inviter des artistes et professionnels des pays en développement ; rechercher des partenariats ; utiliser les dispositifs de financement public/privé ; et s’appuyer sur les réseaux internationaux.
Les gouvernements peuvent soutenir ces démarches par : des programmes ciblés ; des accords internationaux ; des dispositifs d’information et de formation ; des mesures pour faciliter l’octroi de visas.
Observations finales et recommandations
Le traitement préférentiel est un levier majeur pour rééquilibrer les échanges culturels, promouvoir la diversité culturelle et garantir l’exercice des droits culturels. Sa mise en œuvre reste encore limitée, mais les organisations et les pouvoirs publics ont tout intérêt à le développer pour répondre aux défis d’équité et de solidarité dans la culture mondiale.
Références
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DutchCulture (2021). An exploration of possibilities and challenges of fair international cultural cooperation. https://dutchculture.nl/en/news/publicationfairinternationalculturalcooperation
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Farinha, C., et al. (2021). Not a toolkit! Fair Collaboration in Cultural Relations. https://www.eunicglobal.eu/faircollaboration
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Guèvremont, V. (2023). Training module on Article 16 of the Convention, relating to preferential treatment. UNESCO.
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Guèvremont, V., & Mariage, M. (2021). Fair Culture – A Key to Sustainable Development. https://www.unesco.de/sites/default/files/202201/FairCulture_engl_online_0.pdf
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Teixeira Coelho (2009). Diccionario crítico de política cultural.
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Troussard, X., et al. (2012). Article 16: Preferential Treatment for Developing Countries. In S. von Schorlemer & P.T. Stoll (Eds.), The UNESCO Convention on the Protection and Promotion of the Diversity of Cultural Expressions.
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UN Special Rapporteur in the field of cultural rights. (2021). Cultural mixing and cultural rights. https://www.ohchr.org/en/documents/thematicreports/a76178culturalmixingandculturalrightsreportspecialrapporteur
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UNESCO (2005). Convention on the protection and promotion of the diversity of cultural expressions. https://www.unesco.org/creativity/en/2005convention
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UNESCO (2020). Preferential treatment. (brochure). https://www.unesco.org/creativity/sites/default/files/medias/fichiers/2023/01/preferentialtreatmentversion_web_en.pdf