Archives 2023

COMMENT DEVRIONS-NOUS VOUS REGARDER, RÉSEAU ? UN CADRE D’ÉVALUATION HOLISTIQUE POUR LES RÉSEAUX CULTURELS

Par Carlotta Scioldo et Cecilia Mereghetti, collaboratrices de l’Association Marcel Hicter

L’essai précédent, Prospective sur les réseaux culturels, a souligné le défi que représente la définition des réseaux transnationaux dans le secteur culturel et créatif (SCC) et a identifié comment l’imprécision de la définition empêche une compréhension globale de la culture des réseaux. Cette ambiguïté a également des répercussions sur la délimitation de l’influence que ces réseaux exercent à différents niveaux, notamment sur les politiques culturelles, les membres et le secteur culturel au sens large. Par conséquent, leur évaluation reste également sous-développée et sous-discutée jusqu’à présent.

La prospective sur « quelque chose » consiste à examiner les principaux défis et opportunités liés à un phénomène spécifique, à sensibiliser et à stimuler le débat sur les tendances, les questions émergentes et les implications potentielles (CE, 2021), ainsi qu’à soutenir la réflexion future des décideurs politiques et des praticiens et à inspirer des politiques à long terme. La prospective sur la coopération culturelle en Europe et au-delà implique de s’interroger sur les principales pratiques qui ont contribué à construire un écosystème culturel européen au fil des ans. Mais quels sont les moyens de soutenir un tel écosystème ? Même dans le peu de temps consacré à poser des questions fondamentales, nous pourrions porter notre attention sur la culture très commune de la mise en réseau. Ici, nous pouvons rencontrer comme protagonistes ce que les professionnels de la culture ont décrit à juste titre comme des « entités uniques et insaisissables » : les réseaux transnationaux.

PRÉPARER LES GESTIONNAIRES CULTURELS À DES CARRIÈRES DANS L’ÉCONOMIE CULTURELLE ET CRÉATIVE

Par Avril Joffe, collaboratrice de l’Association Marcel Hicter

Cette analyse met en évidence plusieurs similitudes dans la formation en gestion culturelle dans le Sud Global et en Belgique francophone. Il souligne la nécessité pour les établissements d’enseignement et les employeurs de reconnaître les compétences cruciales et les qualités personnelles nécessaires pour les gestionnaires culturels. Ces compétences incluent la capacité de résoudre les problèmes, la compréhension de l’écosystème culturel, la gestion des parties prenantes, ainsi que des compétences financières, numériques, culturelles et civiques.

LA CULTURE EN TANT QUE BIEN PUBLIC MONDIAL: CONTESTATIONS ET IMPLICATIONS

Par Avril Joffe, collaboratrice de l’Association Marcel Hicter

L’année dernière, en octobre, des ministres de la culture, des ONG, des organisations intergouvernementales, des agences des Nations unies, des activistes culturels et des artistes du monde entier se sont réunis à Mexico, 40 ans après la première réunion de ce type pour Mondiacult – Conférence mondiale de l’UNESCO sur les politiques culturelles et le développement durable. La déclaration finale de Mondiacult 22 a exprimé des préoccupations concernant le paysage contemporain ; elle a été marquée par des crises multiples, prolongées et multidimensionnelles – liées notamment aux conséquences dramatiques du changement climatique et de la perte de biodiversité, des conflits armés, des risques naturels, de l’urbanisation incontrôlée et des modes de développement non durables – qui entraînent notamment une augmentation de la pauvreté, un recul des droits fondamentaux, une accélération des migrations et de la mobilité, ainsi qu’une exacerbation des inégalités, y compris en ce qui concerne les technologies numériques (UNESCO, 2022).

ALIMENTATION ET WHITE INNOCENCE

Par Anne Wetsi Mpoma, collaboratrice de l’Association Marcel Hicter

En arrivant à l’aéroport national de Belgique à Zaventem, on est accueillis par de grandes affiches « In Belgium, we love diamond ». La Belgique développe une expertise reconnue mondialement sur le travail joaillier du diamant depuis le 13e siècle. Dans le même ordre d’idées, avez-vous remarqué que l’emballage du sucre de cannes (Fair trade et bio d’une certaine marque belge) annonce fièrement que l’entreprise qui le produit, développe son expertise depuis le 15e siècle. Pourtant, vous et moi savons pertinemment qu’on ne trouve ni diamant, ni sucre de cannes dans la nature belge. Ni fèves de cacao non plus par ailleurs.

REPENSER LA CHAÎNE DE VALEUR CRÉATIVE POUR UNE VISION LARGE DE LA POLITIQUE CULTURELLE

Par Charles Vallerand, collaborateur de l’Association Marcel Hicter

Le concept de chaîne de valeur est très utile au développement des politiques culturelles. La notion nous vient des sciences de la gestion. Le célèbre théoricien Michael Porter aurait été le premier à le décrire en 1985 dans son best-seller Avantage concurrentiel : comment devancer ses concurrents et maintenir son avance (Competitive Advantage: Creating and Sustaining Superior Performance). Cette notion est devenue à ce point courante lorsqu’il est question d’industries culturelles qu’on finit par en perdre le sens premier.

CONCEPTION DES POLITIQUES CULTURELLES: APPROCHES DIFFÉRENTES ENTRE PAYS DU SUD ET DU NORD ? 2ème partie

Par Charles Vallerand, collaborateur de l’Association Marcel Hicter

Dans un texte précédent, j’ai brossé un portrait rapide et très général des différences d’approche entre les pays du Sud et du Nord (une notion également très générale, sachant que les réalités nationales au sein des deux hémisphères n’ont rien d’homogènes). Poursuivons. Comme membre de la banque d’expertise de l’UNESCO depuis 2015 et chargé de mission d’expertise et de formation pour l’Organisation internationale de la Francophonie, j’ai pu observer la montée en puissance des financements destinés à assister les pays du Sud à adopter des politiques et mesures culturelles, et ce tout particulièrement depuis l’adoption de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

CONCEPTION DES POLITIQUES CULTURELLES: APPROCHES DIFFÉRENTES ENTRE PAYS DU SUD ET DU NORD ? 1ère partie

Par Charles Vallerand, collaborateur de l’Association Marcel Hicter

On m’a posé la question suivante : à partir de ton expérience d’appui aux services publics dans le domaine culturel, que ce soit au Canada ou dans les pays bénéficiaires de la banque d’expertise de l’UNESCO, y a-t-il des tendances, des besoins particuliers que tu aurais constaté ces dernières années? Comment les pays du Sud conçoivent-ils leurs politiques culturelles par rapport à ceux du Nord? La question est pertinente, comme j’ai eu de multiples occasions de conseiller des organismes de service public du domaine culturel au cours de mes 35 ans de carrière. Ces organisations opèrent dans des environnements complexes où doivent se réconcilier les intérêts de multiples parties prenantes : le ministre de tutelle, l’administration, le conseil d’administration, les employés, les fournisseurs, les publics, les médias. 

EN EUROPE, LES VILLES ACTRICES DE LA DÉCOLONISATION DE LA CULTURE

Par Clémentine Daubeuf, collaboratrice de l’Association Marcel Hicter

En mai 2023, le musée de l’Amérique de Madrid changeait de directeur avec pour mission de poursuivre la décolonisation du musée, pendant que le documentaire White Balls on Walls de Sarah Vos qui suit les équipes du musée Stedelijk d’Amsterdam dans leur transition vers un musée plus inclusif était projeté au Film Forum de New York. À Bruxelles, l’Hôtel van Eetvelde, chef d’œuvre d’art nouveau réalisé par Victor Horta pour le secrétaire général de l’État indépendant du Congo ouvrait ses portes au public.Cette actualité décoloniale liée à la culture et au patrimoine ne reflète cependant pas un phénomène récent. Toutes les nations occidentales sont aux prises avec un passé et un héritage lié à la traite transatlantique et à l’impérialisme.

COMMENT VÉRIFIER L’ÉQUITÉ DANS LA GESTION DES RELATIONS CULTURELLES INTERNATIONALES ?

Par Avril Joffe, collaboratrice de l’Association Marcel Hicter

Il est bien entendu que la gestion des relations culturelles internationales doit être équitable. Nous avons décidé d’analyser ce que signifie la notion d’équité dans le contexte d’un monde instable, incertain, complexe et ambigu, caractérisé par un équilibre inégal des pouvoirs et par de graves inégalités et injustices qui remontent au passé mais persistent dans nos modes contemporains de connaissance et d’action. Dans ce contexte, l’équité est un synonyme ou un raccourci pour l’adoption de relations culturelles authentiques qui éclipsent les dichotomies de pouvoir et promeuvent le potentiel de la culture pour le développement.

DES INDUSTRIES CULTURELLES À HAUT RISQUE. L’IMPORTANCE DE GESTIONNAIRES DE TALENT.

Par Charles Vallerand, collaborateur de l’Association Marcel Hicter

Ceux et celles qui auront lu mon dernier article sur les industries créatives et culturelles ne seront pas surpris d’apprendre que j’ai un parti pris pour les industries culturelles. Autant le concept des industries créatives est nébuleux, autant celui des industries culturelles a le mérite d’être clair. Les expressions de culture soumises à la transformation industrielle sont relativement simples à identifier. Leur commercialisation repose sur la mise en structuration d’une chaîne de valeur – de l’idéation à la consommation – permettant aux flux financiers d’être redistribués à chacun des intervenants. Sans cette rémunération, il ne peut y avoir de développement durable.

LES ICC: UN BUFFET CHINOIS. DE TOUT, POUR TOUS.

Par Charles Vallerand, collaborateur de l’Association Marcel Hicter

La Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles reconnaît le droit des Parties à “(…) formuler et mettre en œuvre leurs politiques culturelles et d’adopter des mesures pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles ainsi que pour renforcer la coopération internationale afin d’atteindre les objectifs de la présente Convention.” (Article 5, 1), mais ne donne aucune définition précise ni de liste de ce que constitue une expression culturelle, ce qui est heureux car les formes par lesquelles s’expriment les expressions culturelles naissent avec les développements technologiques et la créativité humaine. L’art numérique, la création assistée par l’intelligence artificielle ou encore l’art de rue en étaient à leur premier balbutiement en 2005.

LA BRIGADE ANTI SARDINARDS. QUAND LA POLITIQUE S’EN PREND À L’ART

Par Stéphanie Dongmo et Vanessa Bassale, collaboratrices de l’Association Marcel Hicter

En mars 2023, l’artiste camerounais Ben Decca, qui célébrait les 40 ans d’une carrière musicale longue et riche, s’est vu contraint d’annuler un concert en Allemagne, suite aux appels au boycott d’un mouvement de revendication porté par des Camerounais de la diaspora et dénommé Brigade Anti Sardinards (BAS), à cause des risques pesant sur sa sécurité. Cet énième incident a relancé le débat sur la frontière entre l’art et la politique, exacerbant du même coup le tribalisme, la violence verbale et les discours haineux sur les réseaux sociaux.

LA SOUVERAINETÉ DES ÉTATS MISE À MAL PAR LES GAFAM

Par Charles Vallerand, collaborateur de l’Association Marcel Hicter

Dans la série américaine Boston Justice, avant d’accepter un dossier, les avocats se demandaient à combien pourrait se chiffrer la réclamation à en juger par les moyens financiers de la partie adverse. Règle générale, et ils refusaient de prendre le risque de poursuivre une partie adverse peu solvable sauf pour des dossiers leur permettant de s’illustrer en faisant progresser le droit par une nouvelle jurisprudence. Les grandes multinationales du Web connues sous l’acronyme de GAFAM — Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – ont les poches profondes. Elles pratiquent l’optimisation fiscale et dégagent des profits en croissance forte leur permettant d’étendre leur position dominante. Elles sont la cible des industries culturelles et des médias dont les sources de financement – aides publiques, revenus publicitaires, droits d’auteur – stagnent ou déclinent depuis des années face à cette concurrence redoutablement efficace et insaisissable, étant délocalisée et dématérialisée. 

LA CULTURE EST-ELLE UN LUXE EN AFRIQUE ?

Par François Bouda, collaborateur de l’Association Marcel Hicter

Cette analyse porte sur les raisons de la situation précaire du secteur de la culture en Afrique. Toutefois, la nature globale des phénomènes incite à la réflexion sur notre écosystème culturel en Belgique francophone. La mondialisation de la production de biens et services culturels n’est pas moins dangereuse pour nous qu’elle ne l’est pour les états africains. Certes, ces derniers sont en proie à des difficultés économiques et sociales d’un autre ordre, ce qui pourrait justifier le fait que la culture soit « le moindre de leur souci ». Cependant en Belgique, alors que la situation est largement moins préoccupante, c’est le même argument qui est employé pour refuser d’inclure la culture comme priorité de l’action publique. L’analyse qui suit décrit une situation plus proche de la nôtre qu’on ne pourrait le croire. A bien des égards, elle fait aussi office de mise en garde.